Un truc glauque, pensait-elle. Écrire un truc bien glauque entre deux tétées. Pour s’échapper. Retrouver un peu de consistance, suspendre la dilution. Celle des fluides – lait maternel, salive du nourrisson, pipis en série. Celle de l’amour absolu dont elle avait longtemps rêvé mais qu’elle n’imaginait pas rencontrer dans le regard bleu foncé et les gazouillis naissants d’un tout petit bout de fille.
Abandonnant la fiction, elle met à nu les interrogations qui traversent et soutiennent les nouvelles. On sent la fragilité, la fébrilité, le doute encore. Et surtout, on sent le passage : lorsque naît Irène, les mots se désagrègent. L’écriture devient quasiment télégraphique, s’efface devant la vie. Et c’est probablement la meilleure manière, à ce moment-là, de la dire. On partage avec l’auteure l’émotion indicible de la naissance, sans douter que les mots reviendront. On les attend.
Mathilde Alet